Travail de nuit : pénibilité, repos compensateur... Ce que dit la loi
Le travail de nuit est normalement une formule à laquelle l'employeur doit avoir recours exceptionnellement. Le cadre légal est très strict même si certains aménagements peuvent être mis en place, en concertation avec les représentants du personnel.
[Mise à jour du mercredi 13 novembre 2019 à 11h30] Retour à la case départ... ou presque. Le projet de loi portant sur "diverses mesures d'ordre social" devait être présenté ce mercredi 13 novembre en conseil des ministres. Toutefois, l'entourage de la ministre Muriel Pénicaud a fait savoir que le sujet du travail de nuit dans les commerces alimentaires était renvoyé "à une concertation de six mois", à l'issue de laquelle le gouvernement pourrait prendre une ordonnance à ce sujet... "dans un délai de dix-huit mois". Ce rétropédalage s'inscrit dans un climat social tendu, à l'approche de la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites.
Définition du travail de nuit
Le travail de nuit correspond à une activité professionnelle effectuée dans une période d'au moins neuf heures consécutives qui sont comprises entre 21h et 6h (7h quand le travail de nuit est régi par une convention collective). Cette tranche horaire peut être modifiée par un accord collectif, mais elle doit tout de même contenir l'intervalle minuit-5h. Tous les salariés peuvent être concernés par le travail de nuit : cadres, salariés au statut Etam (employé, technicien, agent de maîtrise), salariés en CDI ou encore en CDD. Il concerne aussi bien les personnes payées au Smic que les cadres (le travail de nuit n'étant pas compris dans le statut cadre).
Un salarié est considéré comme travailleur de nuit s'il accomplit au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail durant la période défiie comme du travail de nuit ; ou une autre durée minimum fixée par une convention ou un accord collectif de travail.
Travail de nuit et Code du Travail
Si les conventions collectives gèrent le détail du travail de nuit (majoration, repos compensateur, primes...), les grandes lignes sont définies par le Code du Travail. Celui-ci insiste sur un point : si le travail de nuit est autorisé, il ne peut pas se faire sans motif. Selon l'article L3122-32, il doit être "justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale".
La législation sur le travail de nuit
Le travail de nuit doit donc être exceptionnel pour les entreprises dont aucune convention ou accord ne prévoit le travail de nuit comme horaire habituel. Il doit être motivé par la nécessité de maintenir la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.
Toutes les décisions relatives au travail de nuit doivent être régies par un accord collectif de branche étendu, une convention, un accord d'entreprise ou d'établissement.
Ces accords fixent :
- les motivations qui conduisent à mettre en place le travail de nuit dans l'entreprise
- la tranche horaire concernée
- les contreparties qui sont proposées aux salariés
- les mesures mises en place pour améliorer les conditions de travail et permettre aux salariés d'assumer leurs responsabilités sociales et familiales
- les temps de pause.
Dans le cas où un accord n'aurait pas été trouvé entre l'employeur et les représentants du personnel, l'employeur peut faire une demande auprès de l'inspection du travail. Ce dossier doit comporter :
- les motivations du recours au travail de nuit
- des éléments prouvant qu'il y a bien eu des négociations
- les temps de pause et les contreparties prévues
- la prise en compte des impératifs de sécurité et de protection de la santé
- l'avis des représentants du personnel s'il y en a.
Rémunération du travail de nuit
En matière de rémunération du travail de nuit, la loi ne donne pas de chiffres précis. Tout dépend des conventions collectives. Les accords collectifs et les accords d'entreprise peuvent également prendre des dispositions sur le sujet. Lorsqu'il n'existe aucune dispositions relatives au travail de nuit dans ces documents, la rémunération est fixée suite à une consultation entre délégués syndicaux mais aussi comité d'entreprise et délégués du personnel.
Majoration et travail de nuit
Dans bien des cas, les salariés qui sont amenés à travailler la nuit peuvent voir leur salaire majoré. La majoration en cas de travail de nuit ne relève pas de la loi mais de la convention collective à laquelle est rattachée le salarié. C'est donc à ce dernier de se renseigner en prenant connaissance de sa convention collective.
Repos compensateur et travail de nuit
Un travailleur de nuit, quel que soit son statut ou son contrat de travail doit bénéficier d'un repos compensateur . Celui-ci peut venir à la place ou en complément de la majoration. Une fois encore, le salarié doit se référer à la convention collective à laquelle il est rattaché.
Par ailleurs, le salarié doit bénéficier d'un repos quotidien d'au moins onze heures après la période travaillée.
Les droits des travailleurs de nuit
Une visite médicale doit avoir lieu avant le début du travail de nuit. Une seconde visite est effectuée deux mois après, puis tous les six mois. Si le travailleur se révèle inapte au travail de nuit, cela ne peut constituer un motif de licenciement sauf si : - il n'existe pas de poste équivalent ou correspondant à sa qualification en horaires de jour - le salarié refuse son reclassement.
Par ailleurs, un salarié peut refuser le travail de nuit s'il est incompatible avec ses obligations familiales impérieuses (garde d'enfants, prise en charge d'une personne dépendante, etc). Son refus ne constitue alors pas une faute ou un motif de licenciement et le salarié peut demander à travailler sur un poste de jour.
Le travailleur de nuit est prioritaire s'il existe des postes correspondant à sa qualification, le jour. De même, le travailleur de jour est prioritaire s'il existe des postes correspondant à sa qualification, la nuit. Les jeunes de moins de 18 ans ne peuvent, sauf dérogation, réaliser un travail de nuit. Les femmes enceintes sont elles autorisées à ne pas travailler de nuit.
Travail de nuit et pénibilité
Le compte pénibilité permet à des salariés souffrant de pénibilité au travail de bénéficier d'une retraite anticipée et à temps plein. Il existe plusieurs critères de pénibilité dont le travail de nuit. Pour pouvoir faire valoir son droit à la pénibilité, il faut travailler au minimum 120 nuits par an. La plage horaire est entre minuit et 5 heures du matin.
Le travail de nuit exceptionnel
Le travail de nuit est fatiguant et doit être strictementcontrôlé. En plus d'un caractère exceptionnel, il doit être mieux payé que letravail diurne. Il existe même un "travail de nuit exceptionnel" dansle secteur du BTP. Selon les conventions collectives du BTP, le travail de nuitexceptionnel se déroule entre 20 heures et 6 heures du matin. Les heures sontmajorées à 100%. Par ailleurs, s'il s'agit d'heures supplémentaires, le salariéa droit à un repos compensateur qui correspond au nombre d'heuressupplémentaires travaillées la nuit.
Loi Macron et travail de nuit
Adoptée le 10 juillet 2015, la loi Macron a pour but de libérer la croissance et l'activité en France. Pour ce faire elle réforme le travail de nuit:
- Le travail de nuit n'est plus seulement appliqué aux industries qui fonctionnent en continu.
- Dans les zones touristiques internationales (mises en place dans le cadre de cette loi), un régime dérogatoire a été mis en place. Les commerces de vente en détail situés dans ces zones, le début du travail de nuit peut être reporté jusqu'à minuit. Lorsqu'elle est fixée au delà de 22 heures, la période de nuit s'achève à 7 heures.