Polygon : la blockchain qui séduit les grandes entreprises

Polygon : la blockchain qui séduit les grandes entreprises Peu prise au sérieux au moment de son lancement, la blockchain Polygon est devenue incontournable dans l'écosystème Web3. Depuis début 2022, de grandes entreprises utilisent ce protocole pour y lancer leur projet. Jusqu'à détrôner Ethereum ?

En ce mois de février 2023, le monde des couches secondaires (layers-2) d'Ethereum est en émoi. La plateforme d'échange américaine Coinbase a en effet lancé son protocole Base et est entrée dans la bataille des layers-2. Une affaire que l'on va suivre de près. Car une couche secondaire a déjà pris son envol : Polygon. Projet né en Inde en 2017, Polygon, fait parler de lui à ses débuts mais sans créer de valeur. Tout change à partir de 2021. MATIC Network est renommé Polygon (le nom du token demeure MATIC) et les fondateurs lèvent plus de 450 millions de dollars auprès d'investisseurs de renom séduits par la feuille de route. Et ils ne semblent pas s'être trompés au vu des récents succès de Polygon, au point de se demander si ce nouvel écosystème est une réelle menace pour le géant Ethereum.

Polygon (MATIC) : un protocole qui a bien grandi

Une première réponse aux problèmes d'engorgement d'Ethereum (ETH)

Né en 2014, le protocole Ethereum se veut ouvert afin que l'on puisse y créer toute sorte d'applications décentralisées, notamment à travers l'exécution de smart contracts. Au moment du premier bull run grand public de 2017, des tensions se font sentir sur Ethereum. On remarque une lenteur dans la validation des transactions et surtout une hausse des frais. Ces premiers signes d'engorgement du réseau Ethereum voient naître ce que l'on appelle les layers-2, des couches secondaires pour soulager Ethereum. C'est avec cette promesse que naît MATIC Network en 2017, le premier protocole abordant ouvertement une solution de scalabilité pour Ethereum. Le projet indien cerne alors très bien ce qui fait défaut chez Ethereum: des frais de gas (de transaction) trop élevés et des temps de validation trop longs. Il y a donc un vrai besoin et la technique utilisée est cohérente. Mais MATIC Network ne décolle pas.

Le développement d'un véritable écosystème

Renommé Polygon en 2021, le projet corrige son image et sa communication, devient plus sérieux et surtout travaille en coulisses. Vu comme une simple couche secondaire, les développeurs construisent alors une sidechain (Polygon PoS), soit une véritable blockchain disposant de sa propre sécurité, tout en ayant toujours l'objectif de soulager Ethereum. C'est un succès et le token MATIC explose. Les investisseurs débarquent en 2022 et Polygon devient un véritable écosystème. En plus de la sidechain, le projet fusionne avec Hermez pour rester dans le monde des layers-2 avec Polygon zkEVM. En outre, Polygon est l'un des premiers protocoles à avoir utilisé la preuve d'enjeu (Proof-of-Stake, Pos), mécanisme de consensus utilisé depuis septembre 2022 par Ethereum.

Avec Polygon PoS, Polygon Edge, Polygon zkEVM, Polygon ID pour l'identité décentralisée ou encore Polygon Supernets, l'écosystème Polygon est l'un des plus développés du secteur. Il est aussi le seul né au départ comme une simple couche secondaire à Ethereum à être bien installé dans le top 10 des principales capitalisations. Mais ce qui séduit chez Polygon, c'est son premier cas d'usage : une solution de scalabilité à Ethereum. Son développement, sa robustesse et ses investisseurs rassurent de nombreuses grandes entreprises, qui ont souhaité déployer des projets importants directement sur Polygon. C'est plus particulièrement grâce aux projets NFTs que Polygon a bénéficié d'une excellence publicité.

Polygon (MATIC) : un protocole qui séduit les entreprises

Les projets NFT, succès majeur de Polygon

Adidas, Meta, Starbucks, Disney et Reddit. A priori, le seul rapport entre ces entreprises est leur nationalité américaine. Mais il y en a une autre : elles ont toutes lancé un projet Web3 en le déployant sur Polygon. La tendance commencée en 2022 en faveur du protocole continue de s'intensifier.

Très vite, beaucoup ont remarqué que c'est du côté des NFTs que la solution Polygon pouvait être sacrément utile. Elle bénéficiait en effet de deux atouts majeurs. Le premier, déjà abordé, c'est d'être plus rapide et moins coûteux. Le second, c'est d'utiliser le consensus de validation de la preuve d'enjeu. Or, au moment de la folie NFT de 2020-2021, Ethereum utilisait encore la preuve de travail et était donc 100 fois plus énergivore qu'aujourd'hui. Pour certaines grandes marques intéressées par les NFT, il n'était pas question de se lancer si leur image allait en pâtir. Polygon a donc été la solution idoine pour lancer des NFTs en consommant 100 fois moins d'énergie. Aujourd'hui, même si la blockchain Ethereum est passée à la PoS, Polygon bénéficie toujours d'une excellente image.

Starbucks a donc utilisé Polygon pour lancer son programme de fidélité en NFT baptisé Starbucks Odyssey. Instagram (Meta) va proposer la négociation de NFT grâce à Polygon, une option également choisie par Reddit. Adidas va construire une marketplace de NFT sur Polygon. Disney est allé plus loin, en établissant un partenariat avec Polygon pour le développement de l'ensemble de leurs projets Web3.

Le protocole Polygon peut-il faire de l'ombre à Ethereum ?

La puissance acquise par Polygon et le nombre de projets d'envergure qui s'y lancent laisse une question en suspens : Ethereum est-il un écosystème menacé ? La réponse courte est négative, mais la question reste ouverte. Tout d'abord, même si le projet a bien grandi, il reste intrinsèquement lié à Ethereum comme une solution de scalabilité. Si la sidechain peut théoriquement être utilisée avec tous les protocoles, une écrasante majorité de projets l'utilise comme une chaîne parallèle à Ethereum. En d'autres termes, Polygon reste très dépendante d'Ethereum. 

Par ailleurs, la communication de Polygon a fortement pivoté depuis 2021. Alors que MATIC Network voyait Ethereum comme un opposant à abattre, le changement de nom en Polygon a aussi adouci le discours, au point de faire d'Ethereum un partenaire clé pour le développement de l'un et de l'autre. Polygon ne se voit donc plus comme un Ethereum killer.

Enfin, la réputation d'Ethereum est sans commune mesure avec celle de Polygon. Le passage au consensus PoS a d'ailleurs rapproché de nombreuses entreprises de l'écosystème créé par Vitalik Buterin qui a encore de beaux jours devant lui. Dans un monde où le Web3 se développe de plus en plus, il est donc tout à fait possible que Polygon et Ethereum cohabitent sans heurts.