Aide aux entreprises face au coronavirus : le report des charges prolongé

Aide aux entreprises face au coronavirus : le report des charges prolongé Chômage partiel, report des charges fiscales et sociales, aide de 1 500 euros à certaines TPE, indépendants ou microentreprises… Le gouvernement sort l'artillerie lourde.

[Mise à jour du vendredi 3 avril 2020 à 19h04] Le confinement se prolonge - pour l'heure, jusqu'au 15 avril. Les aides accordées par l'Etat aux entreprises afin de face face à la crise du coronavirus aussi. Le ministre de l'Action et des Comptes publics a annoncé ce vendredi un prolongement des possibilités de report des cotisations sociales et impôts directs des entreprises pour tout le mois d'avril. Pour ce qui est des cotisations sociales, précise le communiqué de presse de Bercy, "pour l'échéance du 15 avril, les entreprises auront de nouveau la possibilité de reporter leurs cotisations en modulant leur paiement. Cette possibilité concernera, comme le 15 mars, 1,5 million d'établissements de moins de 50 salariés en paiement mensuel, mais aussi 120 000 établissements de moins de 50 salariés en paiement trimestriel ; l'échéance du 20 avril est de nouveau automatiquement reportée pour les 460 000 travailleurs indépendants mensualisés. 1 million de micro-entrepreneurs peuvent ajuster leur paiement du 30 avril. Les mêmes modalités sont applicables pour les employeurs et exploitants du régime agricole en avril, ainsi que pour la totalité des employeurs en paiement mensuel et trimestriel qui acquittent les cotisations de retraite complémentaire le 25 avril." En ce qui concerne les impôts les entreprises en difficulté financière en raison de la crise du Covid-19 pourront solliciter un report de leurs échéances d'impôts directs d'avril.

Le président de la République n'a eu de cesse de le répéter lors de son allocution télévisée ce lundi 16 mars : nous sommes en guerre. En guerre économique, notamment. "Le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté cette semaine en Conseil des ministres fera état d'une prévision de croissance à -1% pour 2020, en accord avec ce qui a été décidé avec la direction générale du Trésor", a annoncé ce mardi 17 mars Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse – téléphonique, cela va sans dire – organisée au pied levé au lendemain des annonces de confinement total du chef de l'Etat. Un chiffre provisoire, précise le ministre de l'Economie, susceptible "d'évoluer avec la situation sanitaire en France et en Europe mais aussi aux Etats-Unis, grand partenaire commercial de la France".

Un déplafonnement du dispositif de chômage partiel afin de couvrir 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 Smic

Dans ce contexte de récession attendue, le gouvernement déploie un plan de soutien aux salariés et entreprises pour un coût global de 45 milliards d'euros environ. Là encore, il s'agit d'une d'estimation qui n'est pas figée dans le temps et qui pourra varier "en fonction de la durée et de l'application des mesures".

Parmi les dispositions de ce plan, la réforme du dispositif d'activité partielle, afin de couvrir 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 Smic. Une mesure qui représente un coût de 8,5 milliards d'euros pour l'Etat sur deux mois. Les entreprises disposent de 30 jours pour déclarer leur activité partielle, avec effet rétroactif. Une bonne nouvelle pour les entreprises qui enregistrent une baisse d'activité comme pour celles qui croulent sous les droits de retrait et les demandes d'arrêt indemnisé pour garde d'enfants.

A cela s'ajoute le report, sans pénalité, des charge fiscales et sociales, qui pèse pour 32 milliards d'euros en trésorerie pour l'Etat. Une enveloppe qui pourrait se muer en coût, ces reports pouvant "se transformer en annulation, le cas échéant", après évaluation de la situation des entreprises. Seuls les impôts directs sont concernés par ce report, insiste Bruno Le Maire. "J'ai refusé d'inclure la TVA dans le champ d'application de cette mesure. Nous sommes rentrés en territoire positif pour les emprunts à 10 ans. Il est nécessaire de trouver le bon dosage entre soutenir massivement l'économie et éviter les mesures trop dispendieuses par rapport à l'avantage économique procuré", a justifié le ministre.

Bruno Le Maire appelle les bailleurs privés à accepter des reports de loyers pour les entreprises impactées par le coronavirus

Le gouvernement a également annoncé la création d'un fonds de solidarité qui représente 2 milliards d'euros de dépenses publiques pour un mois. Ce fonds s'adresse aux petites entreprises réalisant moins de 1 million d'euros de chiffre d'affaires (TPE, indépendants ou microentreprises) qui, soit font partie des entreprises fermées jusqu'au 15 avril 2020, comme le prévoit l'arrêté pris par le ministre de la Santé Olivier Véran ce dimanche 15 mars, suite au discours d'Edouard Philippe, soit accusent une baisse de plus de 50% de leur chiffre d'affaires entre mars 2019 et mars 2020. Une aide de 1 500 euros sera versée par la DGFiP aux entreprises éligibles sur simple déclaration. Pour celles qui emploient au moins un salarié et pour lesquelles ce dispositif anti-faillite serait insuffisant, le gouvernement prévoit une augmentation de cette aide au cas par cas.

En parallèle de ce plan de soutien aux salariés et entreprises, l'Etat se porte garant des nouveaux prêts bancaires à hauteur de 300 milliards d'euros dans le but de "maintenir la trésorerie en entreprise sur le modèle de ce qui a été fait en Allemagne. Les banques françaises n'ont donc aucune raison de refuser un prêt à aucune entreprise que ce soit. Elles sont certes attaquées sur les marchés, mais elles disposent de la capitalisation nécessaire pour être solides. Le fait que nous apportions cette garantie d'Etat doit permettre au système financier français de continuer à fonctionner", estime Bruno Le Maire. "Sur le front européen et international, aussi, des mesures immédiates de dépenses financières sont prises à hauteur de 1% du PNB européen et nous faisons 10% de garantie de prêt bancaire par les puissances publiques européennes soit 1 000 milliards d'euros."

"Nous allons aussi continuer à discuter avec les assureurs, pour voir comment ils peuvent participer eux aussi au soutien aux entreprises"

Dans une optique de "zéro recette, zéro dépense", le gouvernement appelle également les créanciers des entreprises à la solidarité. "Nous avons négocié avec le Centre national des centres commerciaux pour les loyers et avec EDF pour les factures d'électricité, et nous sommes en cours de discussion avec d'autres grands bailleurs et avec Engie pour les factures de gaz", précise le ministre, qui appelle les bailleurs privés qui le peuvent à jouer le jeu, tout en assurant qu'il n'y aura pas de report ou d'annulation des loyers de manière autoritaire. "Nous allons aussi continuer à discuter avec les assureurs, pour voir comment ils peuvent participer eux aussi au soutien aux entreprises", sachant que les contrats d'assurance ne couvrent pas les pertes d'exploitation sans dommage dans le cadre d'une catastrophe sanitaire. De leur côté, les banques ont accepté de reporter jusqu'à 6 mois sans frais les remboursements de crédits.

L'Etat n'en oublie pas pour autant les fleurons de l'économie française, dont l'activité est aussi largement impactée par le coronavirus. C'est notamment le cas d'Air France-KLM, dont le PDG, Benjamin Smith, a été reçu au ministère pour faire le point sur la situation du groupe et a annoncé une réduction d'au moins 80% de l'activité. "Je n'hésiterai pas à employer tous les moyens à ma disposition pour protéger les grandes entreprises françaises. A savoir des recapitalisations, des prises de participation, et je peux même parler de nationalisations si nécessaire", a indiqué Bruno Le Maire.

Autant de mesure qui pèseront évidemment sur les finances publiques françaises. "Il faut s'attendre à une dégradation, prévient Bruno Le Maire, au-delà des 100% de dette publique. C'est inévitable mais nous avons choisi de prioriser le soutien aux entreprises et la préservation de nos capacités de redémarrage. Cela ne veut veut pas dire que nous renonçons à des finances publiques bien tenues mais le meilleur moyen d'y parvenir sur le long terme, c'est de retrouver de la croissance."