Comment faire du viager un investissement intéressant ?

Comment faire du viager un investissement intéressant ? Le viager ne représente que 1% des ventes immobilières en France. S'il est sécurisant pour le vendeur, il peut être une bonne - comme une très mauvaise- affaire pour l'acheteur. D'où l'importance pour l'acquéreur de prendre en compte plusieurs critères s'il veut que cet investissement soit intéressant.

Issu du terme "viage" qui signifie "temps de vie", acheter en viager signifie généralement que l'acquéreur achète un bien à une personne âgée (70 ans et plus) en contrepartie d'un bouquet initial (entre 20% et 40% de la valeur du bien), auquel s'ajoutent des rentes mensuelles jusqu'au décès du vendeur. Dans 98% des cas, le viager est occupé, habité par le vendeur. Il est aussi possible d'avoir des viagers libres mais les offres sont rarissimes. Dans les deux cas, c'est au moment de la signature de l'acte de vente chez le notaire, que se décide la proportion bouquet/rentes (même si la loi ne fixe pas d'obligation et qu'il est possible d'acheter un bien en viager sans bouquet avec seulement des rentes, ou l'inverse). Les deux parties décident des modalités de paiement et de la répartition, et l'acquéreur devient propriétaire du logement. Le prix du bouquet et des rentes est établi selon plusieurs critères (prix du bien, décote liée à l'occupation en cas de viager occupé, âge du vendeur et son espérance de vie). Quel que soit le montant et le ratio (plus le bouquet est important, moins les rentes mensuelles sont élevées), le prix de revient pour l'acquéreur dépend de la durée de vie du vendeur : plus le vendeur vit longtemps, plus l'acquéreur devra payer cher.

Acheter en viager occupé : ce qu'il faut savoir

Pas de prêt bancaire. Comme il n'est pas possible d'avoir recours à un prêt bancaire pour réaliser en achat en viager, l'acheteur doit disposer de suffisamment de liquidités pour verser le bouquet puis les rentes mensuelles. La banque justifie son refus dans ce qui est appelé "la garantie de premier ordre du vendeur du viager" : le bien est inscrit aux hypothèques par le notaire. Ainsi, si l'acheteur n'obéit pas à ses obligations du contrat viager, le vendeur peut faire vendre en justice son ancien bien et récupérer le profit de cette vente. Les banques devant avoir des garanties, elles ne s'engagent pas à prêter de l'argent pour un achat en viager car elles ne peuvent pas hypothéquer le bien pour l'emprunt qu'elles consentiraient.

Prix décoté. Comme le bien est occupé par le vendeur, son prix est décoté en fonction du DUH (droit d'usage et d'habitation). "Le DUH est calculé en prenant en compte l'âge du vendeur et son espérance de vie basée sur les tables de mortalité (fournies par l'Insee et les notaires), qui permettent aussi le calcul de la rente mensuelle. Le bouquet versé correspond généralement à 20 % ou 30 % du prix du bien sur le marché et excède rarement 40 %" détaille Vincent Raynaud, directeur des partenariats de la société spécialisée Partenaire Viager. "Cette somme vient en déduction du prix de vente pour calculer le montant de la rente. Si les rentes mensuelles ne dépassent pas l'espérance de vie estimée, le bien peut alors s'avérer une bonne affaire". Pour l'acheteur, le viager permet d'échelonner le paiement.

Exemple de calcul de décote. Mr Martin vend son bien en viager. Il est estimé à 200 000 €, la valeur locative à 800 €/mois et son espérance de vie à 8 ans. Pour un loyer de 800 euros mensuels sur 8 ans (96 mois), la valeur à décompter est (800x96) = 76 800 €. La valeur décotée du bien devient 123 200 € (200 000 – 76 800). C'est normalement le prix de revient pour l'acquéreur. Si ce dernier verse à Mr Martin un bouquet correspondant à 30% de la valeur estimée du bien (200 000), soit 60.000 euros, alors la rente est ainsi calculée : valeur décotée (123000) - le bouquet (60000) = 63000€. Sur 8 ans (96 mois), les rentes mensuelles sont : 63000/96 = 656,25€. L'acheteur paie donc "en théorie" son bien 123 000 € (bien qu'il soit impossible de prédire la date de décès du vendeur).

A la charge de l'acheteur. Si le vendeur continue de payer les charges courantes et l'entretien du logement (comme un locataire), l'acquéreur paie les taxes Foncières (puisqu'il est propriétaire) et les gros travaux. On est dans le cas classique propriétaire/locataire. Pour l'acheteur, attention si vous achetez en viager une maison en province. Vous pourriez vous retrouver avec de gros travaux de rénovation et comme vous visiterez le bien occupé, peut-être ne verrez vous pas certains problèmes…

Rentabiliser l'investissement. Mieux vaut acheter en viager à une personne vivant seule plutôt qu'en couple car lorsque le viager est conclu avec des couples, il faut attendre le décès du dernier conjoint pour devenir pleinement propriétaire. D'autre part, il est mieux de choisir une personne âgée d'au moins 80 ans car plus la personne est jeune, plus la totalité du capital versé sera élevée. Le montant du bouquet a lui, tendance à être plus élevé à mesure que le vendeur est plus âgé, "car à un certain âge la perspective d'une rente garantie sur la durée peut avoir moins d'intérêt qu'un versement comptant plus important" précise Vincent Raynaud. Qui met toutefois en garde : "L'achat en viager est en général assez rentable (entre 5 et 8% de rentabilité), mais il dépend d'un aléa important : l'espérance de vie du vendeur. Les acheteurs doivent veiller aux clauses incluses dans le contrat, qui peuvent transformer le viager en gouffre financier".

Quelle fiscalité pour l'acquéreur ? Comme l'explique Alban Meyer, conseiller chez Renée Costes, un des leaders de l'immobilier en viager, la fiscalité est intéressante pour deux raisons. "Les frais de mutation lors de la vente chez le notaire sont réduits car ils ne sont pas calculés sur la valeur vénale du bien, mais sur sa valeur décotée prenant en compte le droit d'usage et d'habitation (DUH)".  Les frais à charge de l'acquéreur sont donc allégés et permettent ainsi une économie non négligeable. D'autre part, pour ceux qui veulent diminuer ou éviter l'IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière), le viager est intéressant car "l'acquéreur d'un viager occupé ne déclare pas la valeur de la pleine propriété dans sa base taxable à l'IFI, mais uniquement la valeur de la nue-propriété".

Viager sans bouquet et viager sans rente

"Ni le bouquet ni la rente ne sont obligatoires", rappelle Me Charles-Edouard Jobard, notaire à Paris. Tout se négocie entre les deux parties chez le notaire. Le vendeur détermine s'il souhaite ou non percevoir un bouquet et/ou des rentes lors de la vente en viager. L'acquéreur accepte ou refuse cette condition. On peut acheter sans bouquet et ne verser que des rentes. Ou à l'inverse, acheter avec seulement un bouquet initial et sans rente (le viager sans rente est une forme de viager assez peu répandue, car contraire à l'esprit du viager).

Sans rente. Le prix du bien immobilier est intégralement acquitté par l'acheteur au moment de la signature du contrat de vente. Le capital versé au vendeur comprend le bouquet et le montant des rentes cumulées. L'acheteur n'a pas à verser une rente à vie au vendeur mais doit débourser une somme plus conséquente à la signature. "Cela permet de ne prendre aucun risque car il n'y a aucun aléa d'espérance de vie. Mais cette formule s'avère moins intéressante que le viager avec rente si le vendeur décède rapidement", précise Me Jobard.

Sans bouquet. Le vendeur peut vendre en viager la nue-propriété de son bien. "Le paiement de la rente viagère mensuelle prendra fin à la mort du vendeur. Le montant de la rente sera élevé et en cas de libération anticipée du logement, il sera revalorisé" prévient Me Jobard.

Conseil. Comme le précise Alban Meyer de Renée Costes : "Au moment de la signature, il est indispensable d'inscrire une ou plusieurs clauses pour anticiper certains événements. Si le vendeur doit quitter son logement pour cause de problème de santé, la clause peut définir au bout de quelle durée l'acheteur pourra prendre possession du bien. Une autre clause, la clause de rachat, permet à l'acheteur de se libérer du paiement de la rente s'il éprouve des difficultés pour s'en acquitter. Il peut ainsi rembourser l'intégralité de la rente en capital, en vendant le viager à un tiers ou à la Caisse des dépôts et consignations".

Acheter en viager libre

Dans le cas d'un viager libre, le vendeur ne vit plus dans les lieux. C'est l'acheteur qui dispose du logement à sa convenance et le droit d'usage et d'habitation n'existe pas. L'acheteur jouit alors du bien à sa guise et a la possibilité d'y vivre ou de le louer. L'intérêt est indéniable pour l'acheteur, qui peut alors compenser en partie le coût de la rente grâce aux éventuels loyers qu'il touche en mettant le bien en location. Mais les ventes en viager libre sont rarissimes (1 % de offres viagères) et autant vous orienter dans ce cas, vers une vente classique non viagère.

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