Ces plateformes d'événements virtuels qui ont explosé avec la Covid-19

Ces plateformes d'événements virtuels qui ont explosé avec la Covid-19 La crise sanitaire a conduit les organisateurs de salons à digitaliser leurs événements. Entre les pure players et les solutions de visioconférence génériques, l'offre est particulièrement abondante. Tour d'horizon.

17,2 milliards d'euros, c'est le manque à gagner des organisateurs de salons franciliens pour 2020. A cela s'ajoute 3,4 milliards d'euros de retombées économiques dont n'a pas bénéficié, l'an dernier, la région Ile-de-France. On le sait, l'événementiel est l'un des secteurs d'activité les plus frappés par la crise sanitaire. Selon le dernier baromètre annuel de la CCI Paris Ile-de-France, 317 salons ont été annulés ou organisés en version digitale entre mars et décembre. Leur fréquentation a chuté de près de 80% avec 7,4 millions de visiteurs en moins.

Avec la pandémie, les organisateurs n'ont pas eu d'autre choix que de repousser puis d'annuler leurs événements ou de proposer une déclinaison digitale. Seuls, 28 % des salons ont une connu une existence numérique selon la même étude. Pas évident, en effet, pour les organisateurs de remettre en question un modèle rôdé depuis des dizaines d'années.

"Les dix mois d'expérience du digital n'ont pas réussi à dégagé une viabilité économique, observe Lionel Malard, consultant pour les professionnels de l'événementiel et fondateur du cabinet Arthémuse. Personne n'a réussi à gagner de l'argent. Au mieux, en proposant un événement à moindre coût, les organisateurs ont réussi à équilibrer leurs dépenses."

"Proposer de nouveaux formats, des modes inédits d'interactions entre exposants et visiteurs"

Si les organisateurs n'ont pas attendu la Covid pour recourir au numérique, ils ont néanmoins été pris au dépourvus tant la bascule a été soudaine. Dans un premier temps, ils se sont rués sur des plateformes généralistes comme Microsoft Teams, Zoom, Cisco WebEx ou GoToMeeting. "Lors du premier confinement, il n'y avait pas d'exigences sur la créativité ou la qualité rendu, poursuit Lionel Malard. L'urgence était d'échanger et de maintenir le lien. Près d'un an après, la situation n'a plus rien à voir. Le degré d'exigence des organisateurs et des visiteurs s'est accru avec le temps."

Par opportunisme, ces éditeurs de visioconférence et de collaboration ont proposé des extensions de leurs offres pour capter ce nouveau marché. Microsoft Teams Live permet de planifier et de diffuser en ligne des événements à grande audience (jusqu'à 100 000 participants). Mi-octobre, Zoom a lancé, en version bêta publique, la plateforme OnZoom. Elle permet de créer des événements jusqu'à 1 000 participants, de les promouvoir par e-mail ou sur les réseaux sociaux puis de les monétiser en acceptant des paiements via une carte bancaire ou PayPal. Quelques mois plus tôt, en avril, Facebook jouait aussi la carte de la monétisation en offrant la possibilité de créer des "lives" payants.

En visant le volume et la simplicité d'usage, ces solutions semblent davantage s'adresser aux entreprises qui souhaitent "streamer" leurs événements qu'aux professionnels de l'événementiel. Une autre typologie d'acteurs, comme l'espagnol Virtway et l'américain VirBELA (retenu par Laval Virtual), s'inspire du réel pour proposer un univers immersif en 3D à la Second Life. Les avatars des visiteurs déambulent au milieu des stands d'un salon virtuel. "Je trouve l'expérience utilisateur déceptive. Il ne s'agit que de reproduire la réalité physique", estime Lionel Malard.

Le copier-coller ne marche pas

De façon générale, l'expert estime que le copier-coller ne marche pas. Même le CES, salon de l'innovation par excellence, a déçu avec sa version digitale qui s'inspirait trop du réel. L'édition 2021 a accueilli deux fois moins d'exposants et un tiers de ses visiteurs habituels. Non, pour Lionel Malard, l'avenir est aux "plateformes qui cherchent à réinventer l'expérience visiteur en faisant preuve de créativité. Cela veut dire proposer de nouveaux formats, des modes inédits d'interactions entre exposants et visiteurs."

Sur ce créneau de l'innovation, deux start-up étrangères sortent du lot. Hopin casse littéralement la baraque. En levant en novembre 125 millions de dollars pour son second tour de table, cette jeune pousse britannique, créée depuis à peine deux ans, est valorisée 2,1 milliards de dollars. Effet Covid oblige, elle est passée en quelques mois de 5 000 utilisateurs à 3,5 millions et de huit employés à plus de 200 répartis dans 38 pays.

Cette hypercroissance, la société londonienne la doit à sa faculté de proposer une multitude de formats, de l'atelier rassemblant quelques personnes au forum réunissant des dizaines de milliers en passant par les webinaires ou les événements hybrides (événements physiques également diffusés en ligne). Hopin met l'accent sur le réseautage, avec des sessions vidéo en one-to-one et échanges de cartes de visite virtuelles, et la valorisation des données des participants. La plateforme comprend aussi des modules de chat, de vote et, bien sûr, de billetterie.

Fondée en Israël en 2011 mais basée à New York, Bizzabo a levé 138 millions de dollars (série E) début décembre. Alors que la société fournissait des solutions logicielles dédiées aux événements physiques, la pandémie l'a obligée à pivoter pour se lancer dès le mois de mars dans la création d'événements en ligne. Comme pour Hopin, sa plateforme propose un parcours sans couture, de l'inscription à l'analyse des données en passant par la génération de trafic. Notifications push, réseautage en tête-à-tête, agenda interactif, sondages en direct… ces techniques d'engagement sont multiples. Bizzabo s'intègre aussi à des solutions tierces comme Salesforce, Marketo ou Slack pour faciliter la gestion des événements.

Des alternatives françaises

Les références avancées pour les deux start-up restent essentiellement anglo-saxonnes et Lionel Malard rappelle que les codes de communication dans l'événementiel différent d'un pays à l'autre. "Il y a des spécificités locales pour présenter et animer un événement." Cela tombe bien puisqu'il existe des alternatives françaises avec deux leaders qui se dessinent : Eventmaker et Swapcard.

La première société a réussi à lever 1,3 million d'euros, au cœur de la crise, en mai dernier. Spécialisé depuis son lancement en 2010 dans la gestion d'événements, cet éditeur parisien a peaufiné son offre de digitalisation avec une diffusion en haute définition et en multipliant les interactions (chat modéré, sondages, questions réponses, brainstorming…). Il compte la Caisse des Dépôts, AccorHotels ou BNP Paribas comme références.

Avec plus de 1 570 événements virtuels organisés en 2020, Swapcard revendique une augmentation de 400% de son chiffre d'affaires prévisionnel

A sa création, en 2013, Swapcard s'était d'abord positionnée sur le créneau de la carte de visite virtuelle avant de se spécialiser dans le networking événementiel. La société, également basée à Paris, propose désormais une plateforme complète de gestion d'événements physiques et virtuels. Elle compte les plus importants organisateurs (GL Events, Comexposium, Reed Exhibitions…) comme clients. Avec plus de 1 570 événements virtuels organisés en 2020, elle revendique une augmentation de 400% de son chiffre d'affaires par rapport à celui initialement prévu. Mi-janvier, Swapcard faisait l'acquisition de l'américain Avolio et de sa plateforme de gestion des données d'inscription des exposants et des conférenciers.

Sur ce créneau, d'autres spécialistes français peuvent être cités comme Digitevent, Inwink ou Videlio. Propriétaire de la marque lesBigBoss qui produit des événements BtoB, Digilinx a, lui, opéré un virage digital en prenant récemment une participation majoritaire au capital de Proximum365. Ce dernier est l'éditeur de la plateforme Vimeet, spécialisée dans l'organisation de rencontres one to one 100% digitalisées.

Pour Lionel Malard, l'avenir passe par ce type d'acteurs. "Leurs plateformes ne se limitent pas à la diffusion d'un signal, ils proposent la création d'un site dédié à l'événement, l'animation d'une communauté, le réseautage ou le matchmaking." Sur ce dernier point, il s'agit, selon lui, d'introduire une dose de sérendipité en reproduisant virtuellement les rencontres fortuites sur un salon. "Quand on se rend sur un salon, on s'attend à être surpris."

Il rappelle toutefois que certains événements sont plus facilement "digitalisables" comme les congrès ou les symposiums. "Que l'on soit présent physiquement ou derrière un écran, suivre une conférence ou une table ronde ne présente pas une expérience radicalement différente. En revanche, sur certains salons spécialisés, les visiteurs ont besoin de toucher, sentir les produits, de manipuler et d'expérimenter. Les salons sont aussi des lieux où se négocient les contrats. Enfin, certains événements sont de véritables shows comme les défilés de mode. Comment faire ressentir virtuellement ce type de spectacle ? Je reste un farouche défenseur des événements physiques, l'homme reste un animal social."